Y’aura-t-il une place pour l’entreprise tunisienne dans l’ère de l’industrie 4.0 ?

    Selim Boughedir Industrie 4.0 AHK IMPACT
    Y’aura-t-il une place pour l’entreprise tunisienne dans l’ère de l’industrie 4.0 ?

    [ Industrie 4.0 ] Interview de M. Selim Boughedir Directeur Industrie 4.0 Wevioo ( source Impact - Le magazine économique tuniso-allemand - AHK)

    Depuis plusieurs années, les chefs d’entreprises subissent de plein fouet le tsunami médiatique de l’industrie 4.0 et restent souvent désarmés devant tant de complexité et de variété de solutions. L’Intelligence Artificielle (IA), Machine Learning, Digitalisation, Big Data, autant d’inaccessibles mots d’experts générant plus d’incompréhension que d’enthousiasme chez nos dirigeants, d’abord soucieux de maintenir leur « business as usual » et d’améliorer leur rentabilité.

    Et pourtant, selon un récent rapport du Forum Economique Mondial, cette révolution va apporter plus de $1000 mds de valeur à l’économie mondiale dans les 5 années à venir ! C’est une opportunité, mais uniquement pour ceux qui sauront l’appréhender. On considère aujourd’hui que seuls 25 pays dans le monde sont préparés à faire partie de l’aventure 4.0.

    Historiquement, l’efficience opérationnelle provenait de la spécialisation, des cadences intensives et des robots à tâches répétitives. L’usine du futur va fonctionner différemment : elle va utiliser les avancées dans la robotique, l’IA, l’impression additive, l’IoT et la digitalisation pour permettre à chaque objet dans l’atelier de communiquer avec son environnement et gérer les instructions de fabrication au niveau d’un produit personnalisé. A travers l’Industrie 4.0, c’est tout le paradigme de la stratégie industrielle qui se trouve transformé.

    L’implantation de l’industrie 4.0 au sein de l’atelier va ainsi modifier en profondeur la typologie des compétences humaines nécessaires à la production. L’ouvrier devra être un technicien polyvalent. La nature de son intervention s’apparentera plus à des activités de paramétrage et de calibrage. L’atelier de demain aura besoin d’une intervention humaine plus qualitative mais moins conséquente. On estime que plus d’un demi-milliard de postes seront perdus d’ici 2030 au bénéfice d’un investissement technologique sans précédent. La masse salariale aura donc de moins en moins de poids dans le calcul de la rentabilité de l’entreprise.

    La Tunisie offre plusieurs avantages compétitifs qui lui permettent aujourd’hui de maintenir un tissu industriel respectable : la proximité de l’Europe et une main d’œuvre bien formée, et surtout bon marché. Mais ces avantages seront moins décisifs dans l’usine du futur. Les gains de productivité vertigineux désormais offerts par les technologies vont petit à petit faire retrouver sa place au site Europe dans la course mondiale à la compétitivité. Une partie de la sous-traitance sera inévitablement relocalisée.

    Aux industriels tunisiens de faire de cette révolution une opportunité. Ils ont indiscutablement les moyens de s’engouffrer dans cette révolution technologique : par une approche progressive, via la mise à niveau des compétences et la digitalisation de l’atelier. Il faut former, convertir, reclasser et préparer les générations futures. Le gouvernement aussi bien que les industriels, à travers leurs clusters, ont un rôle primordial à jouer.

    Pour ce qui est de la digitalisation de l’usine, il faut mettre en œuvre une véritable démarche de transformation digitale pour identifier d’abord les zones métier les plus propices à la digitalisation et lancer ensuite, brique par brique, l’implémentation des technologies de l’Industrie 4.0 au cœur de l’usine.